Histoire du premier tableau de Jésus Miséricordieux
Histoire du premier tableau de Jésus Miséricordieux (tableau de Vilnius) (voir la version pdf)
Le premier tableau de Jésus Miséricordieux a été peint à Vilnius en 1934 par Eugène Kazimirowski. C’est le bienheureux Père Michel Sopocko qui a demandé au peintre de réaliser le tableau. Le Père Sopocko habitait la même maison que le peintre. Le 2 janvier 1934, fête du très saint nom de Jésus sainte Faustine va voir pour la première fois le peintre. Elle s’en souvient ainsi :
« Ce jour est pour moi tout particulièrement grand, ce jour-là je suis allée pour la première fois m’occuper de la réalisation de ce tableau ; ce jour-là pour la première fois la miséricorde divine a été particulièrement honorée (…) bien qu’elle soit connue depuis longtemps, mais cette fois-ci sous la forme que le Seigneur souhaitait. Ce jour du très doux nom de Jésus me rappelle bien des grâces particulières » (PJ 863).
Accompagnée de sa supérieure ou d’une autre religieuse, sainte Faustine va deux fois par semaine, pendant six mois, voir le peintre pour donner des indications. Le Père Sopocko dit dans Mes souvenirs de Sœur Faustine Kowalska « Pendant quelques mois, toutes les semaines Faustine allait voir le peintre pour lui donner des indications concernant le tableau et corriger son travail »[1]
La réalisation du tableau a duré environ six mois. Quand le tableau a été terminé, il fallait trouver une place pour l’inscription Jésus, j’ai confiance en Toi. Sainte Faustine a reçu la connaissance intérieure sur la façon de la placer. Au début, l’inscription a été réalisée sur un morceau de métal, puis ajoutée séparément sur le cadre, au-dessous du tableau. Cette inscription est un élément essentiel du tableau. Elle est très importante. Le Seigneur ne cesse de dire à sainte Faustine que c’est la confiance seule qui permet de puiser les grâces de la Miséricorde. Plus la personne a confiance, plus elle reçoit des grâces (PJ, 1578 ; 1273…). Jésus veut en particulier que les âmes affligées par le poids de leurs péchés ne cèdent pas à la tentation du désespoir, mais recourent à sa Miséricorde avec la confiance d’un enfant. Ces âmes ont, dit-Il, la priorité sur sa Miséricorde. Elles ne seront pas déçues et n’éprouveront aucune honte en faisant appel à sa Miséricorde (PJ, 1541).
Ce tableau de Jésus Miséricordieux peint à Vilnius, en présence de Sainte Faustine est le seul tableau sur lequel le Seigneur a le regard baissé. Visiblement, telle était la volonté de Dieu puisque sainte Faustine a indiqué au peintre qu’il fallait le peindre ainsi, sans vraiment savoir pourquoi. C’est seulement un mois après la réalisation du tableau, en août 1934, qu’elle a reçu cette réponse du Seigneur :
« Mon regard sur cette image est le même que celui que j’avais sur la croix » (PJ 326) (cf p. 81).
Pourquoi ce regard baissé? Parce que Jésus ne veut pas mettre mal à l’aise le pécheur. Il a agi de même avec la femme adultère (Lc 7, 36-50, voir p. 7). Il a baissé les yeux et écrit par terre. De même Jésus Miséricordieux ne nous fixe pas du regard, tel un juge, pour que nous nous sentions mal. Avec une délicatesse extrême, le Seigneur nous offre sa miséricorde. Il nous donne la possibilité de lâcher notre péché et de nous faire pardonner. C’est alors qu’Il posera son regard saint sur nous. C’est l’humilité inconcevable du Christ Miséricordieux.
Le fond de la toile sur ce premier tableau du Christ Miséricordieux peint à Vilnius est noir. La seule lumière provient de Jésus Lui-même. Pourquoi ? Parce ce que Jésus est la lumière qui, dans ce monde de ténèbres, nous éclaire et nous guide. Si on enlève Jésus du tableau, il ne restera que les ténèbres. Il en est de même pour notre vie : si nous enlevons Jésus de nos vies, il ne reste que ténèbres.
« La vie était la lumière des hommes, et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie… Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme ; il venait dans le monde… et le monde ne l’a pas reconnu…Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1,4-12) ; « Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie » (Jn 8,12, et 1 Jn 1,5-7).
Quelle est la première réaction de sainte Faustine à la vue du tableau? Comme sainte Bernadette qui a pleuré en voyant la statue de Notre Dame de Lourdes sainte Faustine manifeste aussi sa déception. Qui Te peindra aussi beau que Tu l’es ?(PJ 313) – dit-elle au Christ. De fait – souligne le Père Martin Paradère – comment une œuvre humaine pourrait-elle rendre la beauté du corps glorieux du Christ ?[2]Le Seigneur rassure sainte Faustine en disant :
« Ce n’est ni dans la beauté de la couleur, ni dans le coup de pinceau que réside la grandeur de ce tableau, mais dans ma grâce»(PJ 313).
Plus tard sainte Faustine écrit dans le Petit Journal avoir vu Jésus à plusieurs reprises exactement comme Il est peint sur ce tableau (PJ 420, 472, 500, 645, 674,851, 1047, 1565). En voici deux exemples. Un jour des terribles pensées la tourmentent. Le Seigneur lui apparait pendant la messe, tel qu’Il est peint sur ce tableau:
« Soudain la présence de Dieu m’environna et me pénétra jusqu’à la moelle. C’était le moment de la sainte Communion. Un moment après je perdis la notion de tout ce qui m’entourait et de l’endroit où j’étais. Soudain, je vis le Seigneur Jésus tel qu’Il est peint sur cette image »(PJ 645).
Quand elle quittera Vilnius en 1936, le Père Michel Sopocko lui envoie la brochure qu’il a fait publier avec, sur la couverture, l’image de Jésus Miséricordieux. La supérieure, après avoir éprouvé sainte Faustine, finit par la lui donner. Sainte Faustine écrit dans le Petit Journal :
« Quand je reçus cet article sur la Miséricorde Divine, avec cette image, je fus étrangement pénétrée de la présence Divine. Je me plongeai dans la prière d’action de grâce et soudain je vis Jésus dans une grande clarté, comme Il est peint » (PJ 675).
Le 9 août 1936, elle écrit au Père Sopocko sa joie de voir cette image :
« O combien mon esprit exultait en Dieu à la vue de cette œuvre qui reflète si fidèlement et profondément les souhaits de Dieu ! Je le sens et je vois l’immense bien qu’ils vont accomplir dans des âmes humaines, puisque l’inspiration divine y est. (…) Père je n’arrive pas à contenir ma joie à la vue de ce petit ouvrage, et surtout de cette image. (…) Oui, il y a bien des peines en tout cela, mais beaucoup plus de joies[3] ».
Une copie du tableau a été faite encore du vivant de sainte Faustine par Lucie Balzukiewicz à Vilnius. Sainte Faustine l’a vue et la trouvait très ressemblante au tableau peint par Eugène Kazimirowski (cf PJ 1299). A Cracovie, on imprimait, à partir de cette copie, de petites images.Sur cette copie réalisée par Lucie Balzukiewicz, le regard du Christ n’est pas tout à fait le même que sur le tableau original de Vilnius. Le 2 février 1938, quelques mois avant sa mort, sainte Faustine écrit au Père Sopocko :
« En ce qui concerne ces images, les gens en achètent peu à peu et de nombreuses âmes ont déjà senti que la grâce Divine est descendue à travers cette source (…). Les petites images ne sont pas aussi jolies que le grand tableau. Les acheteurs sont ceux que la grâce divine attire et Dieu intervient lui-même[4] ».
On voit, à travers tous ces quelques exemples que sainte Faustine aimait ce tableau et le trouvait beau. Tout a sa signification dans ce tableau. Une grande majesté se dégage de la personne de Jésus et nous ne pouvons que nous mettre à genoux pour L’adorer.
Dans quelles circonstances ce tableau a pu être enfin exposé à la vénération publique et dans quel endroit?
Le chemin a été long. Le tableau a été terminé en juillet 1934. Comme il contenait un message nouveau, le Père Sopocko ne voulait pas l’exposer dans l’Eglise sans l’autorisation de l’archevêque, Monseigneur Jalbrzykowski. Il était gêné de le demander, et, surtout d’expliquer à l’archevêque son origine. Il l’a donc installé, face contre le mur, dans un couloir obscur du couvent des sœurs Bernardines situé à côté de l’église Saint-Michel dont le Père Michel Sopocko était recteur à l’époque. Un jour, durant la semaine sainte Faustine est venue dire au Père Sopocko que le Seigneur n’était pas content de lui. Le Père Sopocko a répondu : « je sais bien, puisque je suis un homme pécheur »[5]. Sainte Faustine lui a expliqué que ce n’était pas pour cela, mais parce que le Seigneur voulait que ce tableau soit exposé à la vénération publique. Comme par hasard, le curé de la Porte de l’Aurore où se trouve l’icône de Notre Dame de Miséricorde, a demandé au père Sopocko de prêcher au cours de la clôture du Grand Jubilé de la Rédemption du Monde célébré du 26 au 28 avril 1935. Le dernier jour des célébrations c’était le premier dimanche après Pâques. Cela faisait déjà presque un an que le tableau était peint.Le Père Sopocko a accepté à condition de pouvoir exposer un tableau contenant un message nouveau. C’est ainsi que le tableau de Jésus Miséricordieux a été exposé pour la première fois à la vénération publique, le dimanche de la Miséricorde Divine à côté de Notre Dame de la Miséricorde. Le Père Sopocko a prononcé une homélie sur la Miséricorde Divine, comme l’a souhaité le Seigneur. Il a avoué plus tard qu’il n’a choisi le sujet de son homélie «ni en fonction du vécu de Faustine, ni en fonction du tableau mais parce que la Miséricorde c’est la Rédemption »[6]. Sainte Faustine s’en souvient ainsi dans le Petit Journal :
« C’est vraiment étrange : tout s’est passé comme le Seigneur l’avait exigé. Le premier hommage que le tableau a reçu de la foule a eu lieu le premier dimanche après Pâques. Pendant trois jours le tableau a été exposé à la vue de tous et vénéré publiquement parce qu’il a été placé à la Porte de l’Aurore[7] au faîte de la fenêtre si bien qu’on pouvait le voir de très loin. À la Porte de l’Aurore on a célébré solennellement durant ces trois jours la clôture du Jubilé de la Rédemption du Monde, 1900 ans après la Passion du Sauveur. Je vois maintenant que l’œuvre de la rédemption est indissociable de l’œuvre de la miséricorde que le Seigneur exige » (PJ 89). (…)
«j’ai assisté au sermon de mon confesseur[8]. Ce sermon traitait de la miséricorde divine et il était le premier de ceux que Jésus exigeait depuis si longtemps. Lorsque mon confesseur a commencé à parler de l’infinie miséricorde du Seigneur, le tableau a pris un aspect vivant et les rayons pénétraient dans les cœurs des gens rassemblés, mais pas dans la même mesure. Certains en recevaient plus, d’autres moins. Mon âme a été inondée d’une immense joie quand j’ai vu la grâce de Dieu » (PJ 417).
Le bienheureux Michel Sopocko a écrit dans son Journal[9] que durant ces célébrations certaines personnes croyaient que le tableau de Jésus Miséricordieux était un nouveau tableau du Sacré-Cœur. A la fin de la cérémonie le Christ est apparu à sainte Faustine tel qu’Il est peint sur le tableau. Elle écrit dans le Petit Journal :
« A la fin de la cérémonie, quand le prêtre a pris le Très Saint Sacrement pour nous donner sa bénédiction, j’ai vu Jésus exactement tel qu’il est sur le tableau. Le Seigneur a donné Sa bénédiction et les rayons se sont répandus sur le monde entier. J’ai soudain vu une clarté inaccessible, qui avait la forme d’une demeure en cristal, tissée d’ondes de clarté impénétrable à toute créature et à tout esprit. Pour accéder à cette demeure il y avait trois portes et à ce moment, Jésus, tel qu’il est représenté sur le tableau, est entré dans cette clarté par la deuxième porte. Il est entré à l’intérieur de l’unité. C’est l’Unité Trine, inconcevable, c’est l’infini(PJ 420).
Après ces célébrations le tableau a été remis dans le couloir du couvent des Bernardines. Plus tard, il a été exposé le 20 juin 1935au cours de la fête Dieu sur un des quatre Autels dans la paroisse Saint François dont l’Eglise Saint Michel faisait partie, ensuite en 1936 à l’église Saint Michel pour la fête de la Miséricorde Divine où il est resté plusieurs jours. Après chaque exposition, il était remis dans le couloir.
Le 15 décembre 1935 le Seigneur fait transmettre, par l’intermédiaire de sainte Faustine, un message au Père Sopocko :
« Dis à ton confesseur d’exposer ce tableau dans l’église, et non dans la clôture de ce couvent. Par ce tableau j’accorderai beaucoup de grâces aux âmes, que chaque âme ait donc accès à lui ». PJ 570
Sainte Faustine quitte Vilnius en mars 1936. Le 1 Avril 1937 le Père Sopocko demande à Mgr Jalbrzykowski l’autorisation d’installer le tableau dans l’Eglise Saint Michel. Il s’en souvient ainsi:
« Son excellence l’archevêque de Vilnius m’a dit qu’il ne voulait pas prendre la décision seul. Il a demandé à la commission d’experts (…) d’examiner le Tableau. Le 2 avril, le chancelier a ordonné de mettre le tableau dans la sacristie de l’église Saint-Michel (…). Pris par le travail au séminaire et à l’université, je n’étais pas présent lors de l’expertise du tableau. Le 3 avril 1937, l’archevêque de Vilnius m’a informé qu’il possédait des informations exactes concernant le tableau : il m’autorisait à le bénir et à le suspendre dans l’église sous réserve de ne pas l’installer au-dessus de l’autel et de ne parler à personne de son origine. Le même jour, le tableau a été béni et installé à droite du Maître Autel, d’où on l’emmenait quelquefois à la paroisse de Saint François à l’occasion de la procession de la Fête Dieu »[10].
Le tableau a été installé dans l’église le 3 avril 1937. C’était un samedi. Le lendemain, le dimanche 4 avril, c’était le dimanche de la Miséricorde Divine. A nouveau donc, le tableau a pu être vénéré le dimanche de la Miséricorde Divine.
Le Père Sopocko a fait savoir à Sainte Faustine que le tableau a bien été installé dans l’église Saint Michel. Quelques mois avant sa mort, le 21 février 1938, elle a écrit au Père Sopocko : « Dieu m’a fait connaître qu’Il est content de tout ce qui est déjà fait. En m’abandonnant à la prière et à l’intimité avec Dieu, j’ai senti dans mon âme une paix profonde pour toute cette œuvre. »[11]
Le tableau restera à l’église Saint Michel pendant onze ans. Là il était l’objet d’une grande vénération, surtout pendant la deuxième guerre mondiale. En effet, quand la guerre a éclaté, les fidèles venaient prier pendant des heures devant le tableau et offraient des ex-votos pour remercier le Seigneur pour les grâces reçues. Les images de Jésus Miséricordieux étaient diffusées massivement. On les installait dans les maisons en demandant au Seigneur sa protection. Très souvent, on insérait les toutes petites images dans les uniformes des soldats afin que le Seigneur les protège. Par l’intermédiaire des soldats, l’image de Jésus Miséricordieux a été diffusée dans tous les coins du monde.
Le 28 décembre 1940 à la demande de l’archevêque, les soeurs bernardines déplacent le tableau sur un mur latéral de l’église. Le Père Sopocko en explique les raisons:
« Depuis l’installation du tableau à l’église Saint Michel, pendant les grandes célébrations, on brûlait les cierges devant le tableau. Depuis juin 1940 à la demande des fidèles, on allumait les cierges pendant toutes les messes. Pour la fête de Saint Michel, les fidèles ont offert des cierges et demandé de les tenir allumées devant le tableau toute la journée, ce que j’ignorais. Cependant, le père Salwatro, croyant que les cierges ont été allumés à ma demande, est allé voir archevêque. Ce dernier a demandé non seulement d‘enlever les cierges mais également de déplacer le tableau sur un mur latéral et d’enlever tous les ex-voto. Le tableau a été déplacé par les sœurs Bernardines. Pendant le déplacement, il s’est décroché du cadre et a été endommagé à plusieurs endroits »[12].
Le développement rapide du culte va finalement obliger l’archevêque à s’intéresser au tableau. En 1941 Il réunit une commission d‘experts, qui estime que “Le tableau présente une valeur artistique et constitue un acquis précieux de l’art religieux contemporain”(procès-verbal de la commission chargée de l’estimation et de la conservation du tableau du Sauveur Miséricordieux à l’Eglise Saint-Michel à Vilnius, le 27 mai 1941, signé par les experts: M. Morelowski, expert en histoire de l’art, l’abbé L. Puchaly, docteur et professeur du dogme, l’abbé P. Sledziewski, conservateur).[13]
En 1942, quand les sœurs sont arrêtées par les allemands, le tableau revient à son premier emplacement.
Après la deuxième guerre mondiale la Lituanie a été rattachée à L’URSS. En 1948 l’Eglise Saint Michel a été fermée. Une grande partie d’objets appartenant à l’église Saint Michel a été transférée à l’église du Saint Esprit. Quant au tableau de Jésus Miséricordieux, il a été racheté en 1950 à un ouvrier lituanien, chargé de liquider le matériel de l’Eglise Saint Michel. En effet, un jour deux apôtres de la Miséricorde Divine, Jeannine Stefanowska Rodziwicz (polonaise) et Edwige Starajte (lituanienne)[14] passaient devant l’Eglise. Elles connaissaient très bien l’origine du tableau pour avoir connu le Père Michel Sopocko. Quand elles ont vu que dans l’église il n’y avait quasi rien sauf le tableau de Jésus Miséricordieux elles ont décidé de racheter la toile.
Jeannine Stefanowska, craignant d’être arrêtée par les pouvoirs à cause de son appartenance à la Société des Enfants de Marie, a demandé à Edwige Starajte de cacher la toile dans un grenier. Elle y restera pendant quatre ans, exposée au froid et à l’humidité. En effet, les craintes de Jeanine Stefanowska se sont confirmées. Elle a été condamnée à 10 ans de déportation. Quand Staline meurt, elle rentre à Vilnius. Lorsque, en 1954, elle a sorti la toile de sa cachette, elle s’est avérée très abîmée. Il fallait donc la restaurer. La restauration a été réalisée par Mme Hélène Szmigielska. Pendant la restauration, la maison où se trouvait le tableau a été contrôlée. Providentiellement, toutes les pièces ont été contrôlées sauf la pièce où était suspendu le tableau.
Comme beaucoup de polonais après la deuxième guerre mondiale, Jeannine Stefanowska Rodziwicz, a dû quitter Vilnius. Avant de partir en Pologne, en 1955, elle a confié le tableau restauré à son confesseur, le Père Elert, curé de l’Eglise du Saint-Esprit à Vilnius mais ce dernier ne s’intéressant pas au tableau l’a rangé dans sa chambre.
Le Père Michel Sopocko a quitté Vilnius bien avant, en 1947, pour suivre son archevêque, Monseigneur Jalbrzykowski, à Bialystok, en Pologne. Il a envisagé de faire venir le tableau en Pologne et a même entrepris des démarches. Tout était arrangé. Il attendait la toile de l’autre côté de la frontière. Malheureusement, la personne chargée d’apporter le tableau ne s’est pas présenté au rendez-vous. Cette personne a avoué plus tard avoir eu l’impression de commettre un sacrilège. Par la suite le Père Sopocko a renoncé à ce projet en disant que si le Seigneur Jésus avait voulu que le tableau soit peint à Vilnius, visiblement il fallait qu’il reste là-bas. A cette occasion le tableau a été endommagé et il a fallu, à nouveau, le restaurer. Ramené à l’église du Saint Esprit, le tableau a été rangé avec les autres objets arrivés de l’Eglise Saint Michel et personne ne s’y intéressait.[15]
En 1956, un ami du Père Michel Sopocko, le père Joseph Grasewicz a demandé au Père Elert, curé de la Paroisse Saint Michel, l’autorisation d’emporter le tableau en Biélorussie, à Nowa Ruda à côté de Grodno, dont il était curé depuis 1944. Le père Grasewicz connaissait très bien l’origine du tableau pour avoir habité avec le Père Sopocko.
Le tableau est arrivé à Nowa Ruda en automne 1956. Le Père Joseph Grasewicz, a installé le tableau à la place du tableau du Sacré-Cœur, à une très grande hauteur, sans informer les paroissiens de son origine. Il en a informé le Père Sopocko. Comme à l’église Saint Michel à Vilnius, là aussi, le tableau était entouré d’une grande vénération. Les paroissiens s’y rassemblaient pour prier le chapelet à la Miséricorde Divine que le Père Grasewicz leur a appris. Malheureusement, en 1957 le Père Grasewicz a été muté dans une autre paroisse. Pendant de longues années la paroisse de Nowa Ruda est restée sans prêtre. Malgré cela, les fidèles ont continué à venir prier devant le tableau.
En 1970 les pouvoirs publics ont décidé de transformer l’Eglise en entrepôt. Tout a été emporté de l’église sauf, La Croix et… le tableau car il était accroché à une trop grande hauteur. Pendant des années, les paroissiens vont continuer à venir prier devant la Croix et le tableau.
Le Père Sopocko, qui avançait en âge, a demandé au Père Joseph Grasewicz de ramener le tableau à Vilnius. Il souhaitait que le tableau soit exposé à la Porte de l’Aurore. Cette demande n’a été transmise qu’en 1982, après la mort du Père Sopocko. L’abbé Tadeusz Kondrusiewicz, alors vicaire de la chapelle, a refusé pour différentes raisons et proposa d’installer le tableau dans l’Eglise du Saint Esprit, dont l’abbé Aleksander Kaszkiewicz[16] était le curé. Ce dernier, tout d’abord peu enclin à accepter cette proposition, y consentit finalement. Ainsi, l’abbé Joseph Grasewicz a décidé de rapporter le tableau à Vilnius.[17]
Cependant, ce n’était pas facile à réaliser. Les paroissiens de Nowa Ruda se sont attachés au tableau et il n’était pas question de le leur reprendre. Le Père Joseph trouvera une solution. En 1986, il a fait venir de Grodno une artiste-peintre, Marie Szocik, à qui il a demandé de réaliser une copie fidèle à l’original. La réalisation a duré quelques mois. Personne n’était au courant sauf une paroissienne. Quand la copie a été terminée, un soir de novembre, le tableau a été descendu et la copie a été installée à sa place. Tout cela a eu lieu à l’insu des paroissiens. Ce sont les sœurs de l’institut Notre Dame de la Miséricorde (de la Porte de l’Aurore) qui se sont occupées de l’enlèvement du tableau: Thérèse, Cécile Obuchowska, Thérèse Gryn ainsi qu’une laïque : Edwige. Deux religieuses de l’Institut fondé par le Père Joseph Grasewicz ont ramené le tableau de Jésus Miséricordieux à Vilnius.
Le tableau est revenu à Vilnius en 1986 non pas à la Porte de l’Aurore, comme le souhaitait le Père Sopocko – mais, à nouveau, à l’Eglise du Saint Esprit. Il était très abîmé. Le Père Sopocko n’était plus de ce monde. Il est décédé en 1975 soit onze ans avant, confiant que la volonté de Dieu s’accomplirait.
Le Père Alexandre Kaszkiewicz, curé de l’Eglise du Saint Esprit, a fait restaurer le tableau par un artiste lituanien, Filipavicius, mais malheureusement cette restauration n’était pas très professionnelle. Il a couvert tout simplement les parties abîmées d’une couche de peinture. Suite à cette opération l’aspect du visage du Seigneur a été fortement modifié. Dans le bas de la toile, à la demande de l’abbé Kaszkiewicz, il a ajouté l’inscription “JESUS, J’AI CONFIANCE EN TOI” en rouge alors que, à l’origine, cette inscription se trouvait sur le cadre. Une autre modification a été faite : le tableau avec sa taille originale ne rentrait pas dans la niche située au-dessus de l’Autel. Il a donc fallu replier le bas de la toile et ajouter une partie de forme ovale en haut. Le tableau ne ressemblait plus tellement à l’original. Il existe encore aujourd’hui des images représentant le tableau de cette époque-là avec la partie ovale en haut et l’inscription Jésus J’ai confiance en Toi en rouge.
En avril 2003, le tableau a subi une dernière restauration[18], grâce à laquelle il a retrouvé son aspect et sa forme d’origine, comme du vivant de sainte Faustine. L’inscription Jésus, j’ai confiance en Toi, a été placée, comme auparavant, sur le carde.
Suite à la décision de l’archevêque de Vilnius, le cardinal Audrys Juozas Backis, le tableau de Jésus Miséricordieux a été transféré le 28 septembre 2005 au Sanctuaire de la Miséricorde Divine, rue Dominicanu à Vilnius, anciennement l’église de la Sainte Trinité. Il est intéressant de savoir que le bienheureux Père Michel Sopocko a été recteur de cette église et c’est là qu‘il a célébré sa dernière messe avant de quitter Vilnius.
Depuis l’année 2013 le Très Saint Sacrement est exposé dans ce sanctuaire nuit et jour. Un grand recueillement et une paix règnent dans ce lieu.
En réfléchissant à l’histoire du tableau de Jésus Miséricordieux, on s’aperçoit que la Providence a vraiment préservé ce tableau. Le tableau est resté 30 ans à Nowa Ruda, dans ce petit village de Biélorussie, 1956 – 1986, trente ans caché mais aussi à l’abri, trente ans avant d’aller évangéliser, 30 ans comme le Christ qui a passé 30 ans à Nazareth avant d’aller annoncer la bonne Nouvelle. On pourrait presque dire que le Seigneur a voulu préserver ce tableau pour le donner au troisième millénaire, le millénaire qui, en a tant besoin.
Dans toute l’histoire des révélations on connaît peu de cas où le Seigneur Jésus a donné l’ordre de peindre un tableau Le représentant. Par sa promesse d’accorder des grâces particulières à ceux qui vénéreraient cette image, le Seigneur Jésus lui a donné une valeur spirituelle exceptionnelle.
Cette image révèle l’immense amour de Dieu pour l’homme. C’est un cadeau que le Seigneur nous fait : regardons-Le, contemplons-Le, et laissons-nous aimer par Jésus.
Vous pouvez vous procurer des images de Jésus Miséricordieux à des tailles différentes sur notre site, ainsi que des grandes affiches.
[1] Mes souvenirs de Sœur Faustine Kowalska
[2]Père Martin Pradère, Sa miséricorde s’étend d’âge en âge, à paraitre aux Editions de l’Emmanuel.
[3] Lettres de sainte Faustine, Editions Téqui.
[4] Idem
[5] Cité dans Faustine, apôtre de la Miséricorde Divine, Jan Grzegorczyk, Editions du Cerf, 2008
[6] Idem
[7]La Porte de l’Aurore, en lituanien Austros Vartai, est le nom d’un très célèbre petit sanctuaire dédié à la Vierge Marie « Mère de Miséricorde ». Il est situé à Vilnius au-dessus d’une des portes de la cité, la Porte de l’Aurore.
[8] L’abbé Michel Sopoćko.
[9] Bienheureux Michel Sopocko, Journal, Editions Swietego Jerzego (Saint Georges), Bialystok, Pologne, 2012
[10] Mes souvenirs de Sœur Faustine Kowalska, Bienheureux Père Michel Sopocko
[11] Les lettres de sainte Sœur Faustine, Editions Téqui
[12] Bienheureux Michel Sopocko, Journal
[13] Cité dans Mes souvenirs de Sœur Faustine Kowalska
[14] Le Père Andrzej Witko précise dans Sainte Faustine et la Divine Miséricorde qu’il s’agissait d’Edwige Starajte alors que selon Jan Grzegorczyk, auteur de Faustine, apôtre de la Miséricorde, il s’agissait de Bronislawa Miniotaite.
[15] Cité dans Sainte Faustine et la Divine Miséricorde, Père Andrzej Witko
[16] Depuis 1991, évêque de Grodno, diocèse dans lequel se situe Nowa Ruda, fervent apôtre de la Miséricorde. Il a pris comme devise : Jésus, j’ai confiance en Toi et dans son blason épiscopal il a fait placer un Cœur dont jaillissent les rayons de la Miséricorde Divine.
[17] Voir www.faustine-message.com (Il est possible d’imprimer, à partir de ce site, des images pour des besoins d’évangélisation.)
[18] Par Madame Edyta Hankowska-Czerwinska, restauratrice d’œuvres d’art, diplômée de la Faculté de Beaux-Arts de l’Université Nicolas Copernic de Torun, Pologne